J’ai 2 loups qui habitent et combattent dans mon cœur : l’un est vindicatif, craintif, envieux et plein de ressentiment ; l’autre est aimant, compatissant, généreux et serein. Lequel des deux vaincra ? Celui que je nourrirai »
Conte amérindien
Le gestalt thérapeute incarne une posture singulière, qui n’est pas celle d’un « sachant », détenteur de connaissances qui le légitimeraient à occuper une place « surplombante » avec la personne accompagnée. Son savoir-faire ne tient pas uniquement à un corpus de savoir, de connaissances théoriques, qu’il mettrait en application à l’occasion des situations apportées par ses patients.
En gestalt thérapie, le thérapeute est son propre instrument : cela signifie qu’il participe pleinement à et de la relation qui s’instaure avec la personne qui consulte, non pas comme un expert, qui aurait l’avantage de son savoir sur le/la patient.e mais comme un être humain, porteur comme tous les autres des émotions, sentiments qui font notre humanité, et, à ce titre, capable d’être touché et de résonner à l’expérience d’autrui. Ainsi, la relation thérapeutique instaurée est une relation de personne à personne.
Sa « technique » si l’on peut dire, repose sur la patiente exploration de ce qu’il est, et la connaissance précise et lucide de sa manière d’être présent au monde et avec l’autre.
Il a travaillé à reconnaître ce qu’il est - c’est à dire à s’accueillir dans toutes ses dimensions : la joie comme la tristesse, l’amour et la colère…et à être avec cela bienveillant.
Bienveillant avec lui-même, il ouvrira aux patient.e.s le chemin de l’accueil de soi et ainsi du déploiement de leur être. Non pas devenir autre, mais reconnaître ses richesses, déjà présentes, leur donner valeur.
Il ne s’agit pas ici d’être satisfait de soi-même dans le sens d’un égo narcissique, boursouflé.
Non, la bienveillance, c’est cesser de nourrir en soi le loup vindicatif. Non pas le nier ou le combattre, ce qui ne manquerait pas de le renforcer, mais cesser de se dénigrer, de vouloir à tout prix être autre chose, autrement. C’est accepter d’arpenter son chemin d’être humain parmi les autres, animés des mêmes émotions, qui simplement s’expriment en chacun de nous d’une manière singulière, comme une partie du tout de l’humanité.
Ainsi, la bienveillance c’est se reconnaître dans notre parenté avec l’humanité tout entière, une voix singulière dans la chorale humaine, ce qui permet au thérapeute d’écouter et de comprendre, mieux, de résonner à l’autre - comme un instrument bien accordé résonne juste - et par cette résonance d’offrir à la personne qui consulte un éclairage inattendu sur elle-même lui ouvrant la possibilité de se déployer, d’exister.
Si l’on parle si souvent de bienveillance dans l’accompagnement des personnes, celle-ci, pour ne pas être une formule creuse, a dû être expérimentée, mise en pratique par le/la thérapeute pour lui/elle-même d’abord. Elle lui permet de signifier de manière forte – en l’incarnant - « je suis avec toi, ensemble dans la même humanité, curieux et ouvert à la vie ».
Dans ce voyage qu’est une thérapie, la bienveillance invite non pas à changer, mais à connaître, reconnaître et accueillir qui je suis dans ma singularité : me lier d’amitié avec moi-même et me re-lier ainsi au monde.
* Entrer en amitié avec soi-même, Pema Chödrön, La table ronde, Paris 1997
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